Dernier jour 17h25

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Reuters, Santa-Maria d'Almogar, aujourd'hui, 17h25 : (FLASH) De très fortes explosions ont été entendues à Santa-Maria d'Almogar. Certains témoins rapportent des éclairs et des grondements très intenses dans les nuages. Cependant, la station météo affirme que la perturbation en cours n'est pas orageuse.

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GlobalNewsTV : Interruption de la présentation sur la quatrième flotte US. Une ravissante journaliste blonde apparaît et interpelle un collègue casqué qui occupe la seconde moitié de l'écran. « John, vous êtes en direct sur le pont du porte-avions nucléaire USS William J. Clinton. Que se passe-t-il ? » On voit des hommes s'affairer sur des avions en arrière-plan du journaliste. « Alison, comme vous pouvez le voir, il règne ici une activité intense. Je viens de voir une équipe de techniciens monter sous les ailes d'un F-234 un rack de missile air-sol de type Viper-3. Ces missiles intelligents autoguidés sont spécialement conçus pour la suppression de cible ponctuelle au sol, par exemple un véhicule ou une batterie de missile.» « John, si je me souviens bien, les militaires parlent de frappes chirurgicales» « Oui, Alison, ces engins ont été exactement conçus dans cet esprit » « On se doute que pour intervenir en pleine ville il faut des armes de ce type » « Tout à fait, Alison, et ceci confirme le risque de sévères affrontements avec des terroristes dans le secteur d'Almogar aujourd'hui.»

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Une forte détonation fit violemment sursauter Lise. Un grand bruit de tonnerre commença à rouler comme si un train de marchandises passait dans la maison. Le vieux chat noir qui dormait dans le canapé se leva d'un coup et courut se cacher sous un fauteuil. Une seconde explosion déchaîna un nouveau roulement cataclysmique qui s'ajouta au premier. Lise ressentit un petit choc à travers la semelle de ses chaussures et une fraction de seconde plus tard la déflagration suivit, sèche et intense. Elle entendit quelque chose qui tombait en roulant au loin, comme une avalanche. Une violente pulsion de terreur s'empara d'elle, elle courut à la chambre d'Esmeralda qui l'attendait, debout près de son lit, très inquiète, mais elle ne pleurait pas encore. Lise la prit dans ces bras. Au loin, il y eut une autre explosion, puis encore une autre, et le ciel ne cessait de résonner de rugissements infernaux. En arrivant dans le couloir au milieu de la maison, elle tomba sur Claire qui la cherchait, sa fille dans les bras. Elles échangèrent des regards inquiets tandis qu'un nouveau grondement démentiel, cette fois très proche, déchirait le ciel et faisait trembler la maison. Claire, qui subissait le contrecoup de la drogue qu'elle avait prise, se laissa glisser assise le long du mur, sa fille effrayée blottie dans l'espace délimité par ses jambes et ses bras. Lise fit promptement de même avec Esmeralda. Déjà, une autre passe dans le ciel annihilait l'espace sonore. Émilie demanda à Esmeralda :

— Tu as peur du tonnerre toi aussi ?

Esmeralda hocha lentement la tête et se serra contre Lise en suçant son pouce et en pressant contre elle son petit chien en peluche. Après de longs instants pendant lesquelles le ciel ne cessa de résonner, le téléphone vibra au poignet de Lise.

— Lise ?

On entendait distinctement un vacarme caractéristique de pales et de turbines en arrière-plan de la voix de Morgan.

— Oui, Morgan ?

— Ces bruits très forts que tu entends, ce sont des chasseurs qui passent en rase-mottes sur la ville, et qui tirent des missiles. Pas de panique, vous n'êtes pas dans le secteur où ça chauffe.

— Ils tirent des missiles sur qui ?

— Sur des terros qui ont déployé des batteries de missiles. Attention, les revoilà.

Un double bang énorme résonna à nouveau au-dessus de la maison, rendant effectivement tout échange impossible pendant quelques secondes, ce qui laissa le temps à Lise d'interpréter ce que Morgan venait de dire.

— Et ces terroristes, eux, ils t'attendent pour te tirer dessus, c'est ça ?

— Oui.

Lise tenta d'imaginer comment pouvait se jouer un jeu de chat et de souris où les chats avaient des missiles et les souris étaient les hélicoptères des hommes de Morgan. Un violent frisson d'effroi lui parcourut l'échine et des larmes lui vinrent aux yeux.

— Ça se passe bien ?

— Non. Mais on va y arriver.

Lise se mordit les lèvres. Si Morgan avait eu des pertes, elle ne pouvait sans doute pas le dire plus explicitement.

— Il y a quelque chose que je dois faire ?

— Ne vous approchez pas des fenêtres, on ne sait jamais. Restez dans le couloir avec les enfants, au milieu de la maison. Dis-le à Claire.

— On y est. Et toi ?

— Je vais chercher Ada et Michael et puis j'arrive.

— Morgan !

— Oui ?

— Est-ce que ça sert à quelque chose si je te dis de faire bien attention à toi ?

— Oui. J'aime bien te l'entendre dire.